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SITE
INTERNET INSTALLATION INTERACTIVE
TOUCH
ME
MILIA
FÉVRIER 99, CANNES
http ://fredforest.worldnet.net/touch-me
CONCEPT :
Sur
un écran plasma, de grande dimension, un étrange
personnage, dont la totalité des pixels se " volatilisent "
progressivement, disparaît complètement dans
un cycle de 4 minutes 30 secondes. Une pression du doigt
dun visiteur de passage devant luvre ramène
le programme à son point départ, et le programme
redémarre automatiquement pour un nouveau cycle. Cette
uvre qui a fait lobjet dune commande de
SESAM est elle-même composée de millions et de
millions de pixels protégés en principe par
les droits dauteur et qui appartiennent à chacun
de ses auteurs adhérents. Cest là un clin
dil de Fred Forest fait à la protection
des droits dauteur qui nécessitent désormais
une adaptation du droit à de nouvelles conditions de
" fabrication " et de " diffusion "
inhérentes aux uvres numériques, notamment
sur Internet. Dans le cas qui nous préoccupe ici, et
le plaisir de transgression quil suscite naturellement,
il sagit plus dune extrapolation fantaisiste :
les pixels en tant que tels, ne pouvant pas plus faire lobjet
dune protection
que des pigments de peinture.
Sur
un plan plus " philosophique ", lartiste
cherche à inspirer ici, à travers la métaphore
quil illustre ainsi avec cette installation, le mouvement
dentropie qui affecte jusquà la disparition
complète de lultime cellule vivante, lexistence
de chaque individu que nous sommes
Il sagit là,
en quelque sorte, dune " vanité "
comme les peintres du XVIIIe aimaient à
en représenter le symbole avec une tête de mort,
sinon que la fuite du temps est illustrée ici avec
Forest par une entropie
numérique qui tend au
zéro absolu.
Il
est certain que la fascination que peut inspirer ce type duvre,
tient aussi pour beaucoup dans sa dimension ludique, de nature
interactive, et dans cette répétition, jusquau
vertige à linfini, dune incantation visuelle,
comme le cultive la musique dun Phil Glass.
DISPOSITIF :
-
un écran plat plasma Pioneer
-
un ordinateur Compaq Armada E-700
-
développement Pascal Joube, ingénieur informatique,
réalisation IO Interactiv
LE POINT DE VUE DE LUVRE :
Je
m'appelle Touch-me. J'ai vu le jour au début des années
1999 . Mon père géniteur était un artiste
qui avait débuté dans l'art au temps, encore
lointain, où l'être humain utilisait pour communiquer
ses émotions cette technique archaïque qui s'appelait
la peinture à l'huile. On l'achetait sous forme de
tubes. Elle sentait horriblement mauvais. Elle salissait les
doigts et les vêtements des artistes d'une façon
telle qu'on ne pouvait pas leur serrer la main, s'il advenait
qu'on vienne à visiter leur atelier
Je suis né
dans un atelier multimédia qui s'appelait à
l'origine " Le Bain turc " comme référence
appuyée à Monsieur Ingres, et qui est devenu
maintenant : I.O., tout simplement, après avoir changé
de nom. Un nom qui est bien sûr beaucoup plus poétique
dans notre culture actuelle. Sans vouloir m'en vanter, je
crois que je suis le premier " objet " informatique
qui ait commencé à éprouver des sensations.
C'était
à l'époque où tout le monde parlait déjà
du grand Bug informatique de l'An 2000. Pascal, l'informaticien
qui était chargé de me mettre au monde, avec
l'assistance éclairée de Jérôme,
avait, je dois dire, une certaine façon de manipuler
les pixels dont devait être fait mon corps. Un jour
de janvier, c'était un mardi dans la nuit, je m'en
souviens très bien, j'ai ressenti pour la première
fois, après un transfert de codes, sous le bras, au
coin gauche du tableau que je représente, exactement
sous l'aisselle, une sorte de glissement informatique agréable
qui ressemblait fort à ce que je sais être maintenant
ce qu'on appelle une caresse. D'abord j'ai été
surpris. Cette sensation épidermique dont j'étais
l'objet était une chose tout à fait inconnue
pour moi. À peine remis de mon étonnement, je
n'avais plus qu'un idée en tête : que ça
recommence ! Et quand ça a recommencé, effectivement,
je n'avais plus qu'un seule idée que ça recommence
encore
Malheureusement
quand on a un corps fait de pixels, au lieu de cellules, on
est inévitablement à la merci des caprices informatiques
qui, si ils ont leur propre logique algorithmique, restent
néanmoins d'une opacité fondamentale pour les
informaticiens eux-mêmes. J'avais donc cette possibilité
incroyable de ressentir comme " objet " pixelisé
des choses étranges à travers la surface de
l'écran mais, en contrepartie, la rançon de
cette faculté nouvelle pour l'équation mathématique
que j'étais, c'était que ce toucher même
alimentait ma vie, et que s'ils venaient à m'être
rationné, mes pixels vivants par l'effet d'un processus
pervers irréversible étaient amenés à
mourir les uns après les autres dans un temps programmé.
Seul le toucher me remonte dans ma vie comme on remonte un
réveil-matin par exemple.
Remontez-moi,
SVP.
Touchez-moi
pour que je vive !
BIBLIOGRAPHIE :
-
Catalogue, 3e États Généraux
de lécriture interactive, 15/28 novembre
1999, Art
3.000, Forum des nouvelles images, les Halles, Paris.
-
Le Monde Informatique, février 1999.
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