Édito
Pour son lancement officiel, le Web Net Muséum consacre
une rétrospective complète à Fred Forest,
un des artistes français le plus médiatique
et, paradoxalement aussi, celui dont le travail de fond reste
encore très largement méconnu ! Certes, tout
le monde connaît son nom, notamment pour ses interventions
tous azimuts, son procès contre Beaubourg et son mariage
sur Internet. Mais combien connaissent, en vérité,
sa pratique artistique ?
On dit de lui qu'il est le " pape " des réseaux et
on le nomme Citizen Fred ! Autodidacte mais aussi titulaire
d'un doctorat d'État en Sorbonne, il est co-fondateur
de deux mouvements artistiques contemporains déterminants :
ceux de l'Art sociologique et de l'Esthétique de la
communication.
Incontournable en France, il est l'artiste pionnier et incontesté
des moyens de communication modernes. Mais ceci dit, combien
connaissent son travail de recherche ? Une démarche
qui s'est développée au fil des ans sur plus
de trois décennies maintenant ? Une pratique artistique
qui a fait de lui, comme l'explique volontiers Pierre Restany,
l'artiste " visionnaire " de cette nouvelle culture de la
communication interactive qui s'impose
aujourd'hui à nos sociétés.
Le but de cette rétrospective en ligne, c'était
tout d'abord pour le Web Net Muséum, de livrer au public
la réalité brute et toute la consistance d'une
pratique singulière, tant par sa capacité de
production que par son originalité créative.
Une masse d'informations, d'actions, de performances, de réflexions,
de textes, de prises de position, d'oeuvres... Nul ne pourra
plus jamais l'ignorer ! Le second objectif que nous nous sommes
assignés ici, et auquel cette rétrospective
répond, c'est celui de mettre à disposition
des amateurs, des chercheurs, des universitaires, des historiens,
un corpus de données sur lequel ils pourront travailler
désormais. Au moment où nous assistons à
une redistribution des cartes dans la société
d'information, le rôle que s'attribue le Web Net Muséum
c'est précisément celui de palier à un
manque d'informations sur des artistes qui placent depuis
toujours leurs pratiques hors du marché et de ses manipulations.
Cela par une politique volontaire d'investigation et un regard
attentif à tout ce qui bouge. Au-delà de ce
rôle, nous tenterons de mettre en évidence que
dans nos sociétés en mutation, les instances
de légitimation, aussi bien dans l'art que dans d'autres
secteurs, subissent une sérieuse remise en question,
qui conduit inévitablement à un " déplacement "
des valeurs et à leur renouvellement.
Moins de trois mois après avoir confié à
Louis-José Lestocart l'organisation en ligne d'une
exposition " d'art génératif ", après
avoir pressenti la critique d'art, Susana Sulic, pour réaliser
une exposition sur le thème de " l'art à l'ère
post-biologique ", après avoir obtenu en exclusivité
un face à face entre Pierre Lévy et Philippe
Breton, et mis en place maintenant une rétrospective
en ligne Fred Forest, nous nous demandons bien, en quoi et
pourquoi, nous ne serions pas en droit de réclamer
pour nous-mêmes, cette légitimité que
les institutions culturelles s'attribuent de fait ? Nous relèverons
d'autant mieux ce défi que nous sommes convaincus qu'il
est déjà gagné d'avance, si nous n'en
attendons rien d'autre que de faire du sens et encore du sens,
dans une société qui en a besoin, plus que jamais,
en cet An I du troisième millénaire !
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